Langue française. La troncation.

« Vélocipède » ? Oublié. « Métropolitain » ? Disparu. « Taximètre » ? Volatilisé. « Vélo », « métro » et « taxi » les ont remplacés. On ne s’en rend pas toujours compte, mais les syllabes tombées au champ d’honneur de la langue française sont innombrables. Il faut dire que nous les utilisons tous, ces vocables résultant d’une abréviation. « Météo », « radio », « photo », « pneu » ou « kilo », et tant d’autres : un numéro entier de L’Express ne suffirait pas à les citer de façon exhaustive.

Ce drôle de phénomène porte un nom savant : la troncation, soit « l’abrégement d’un mot par la suppression d’une ou de plusieurs syllabes », que le sagace et facétieux observateur du français Bernard Cerquiglini a eu l’excellente idée d’étudier de plus près dans un ouvrage qui vient de paraître : Parlez-vous tronqué ?*.

Michel Feltin-Palas, L’Express, 15 octobre 2019.

 

Muriel Gilbert et les bonbons sous la langue

Amis des mots, phobiques de l’orthographe et amateurs de la langue de Molière vont se frotter les mains : Muriel Gilbert est de retour avec un livre malin, ludique et désopilant pour tous les amoureux du français. En une centaine de chroniques, la plus célèbre des correctrices distille ses petits conseils et déchiffre les excentricités de notre langue. Elle tente par exemple de nous réconcilier avec la ponctuation, fait le point sur ce qu’on appelle les signes diacritiques, ou lève le voile sur les mystères de l’impératif. Le tout en répondant à un tas de questions que l’on n’oserait jamais se poser : comment accorder le pronom « on » ? Faut-il dire « c’est les vacances » ou « ce sont les vacances » ? Pourquoi écrit-on « finiS ta soupe », mais « mangE ta soupe » ? Des textes aussi courts qu’éclairants qui mettent la langue française et ses mystères à la portée de tous.

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Ecouter les chroniques de Muriel Gilbert sur RTL.

JDD, 13 octobre 2019

Langue française : la grammaire des Académiciens

Toujours la grammaire et l’Académie…

Si, après tous les efforts qu’on a dépensés à l’apprendre, on savait jamais l’orthographe ! Mais les écoliers, je dis les plus huppés, ne la savent pas ; et non seulement les écoliers, mais les instituteurs, chargés de l’enseigner ; mais les membres de l’Académie française, chargés de rédiger le dictionnaire ; mais M. le duc d’Audiffret-Pasquier, qui, dans la lettre où il posait sa candidature à l’Académie, écrivait « accadémie » avec deux c; mais le secrétaire perpétuel de l’Académie, M. Gaston Boissier, qui un jour, dans une vente aux enchères, vit un de ses autographes adjugé à un prix assez élevé, parce qu’il contenait à son insu des fautes d’orthographe. Pourquoi, après tout, ne pas narrer l’histoire ?

Et voici la curieuse anecdote que nous conte M. Renard dans la Revue des Revues :

Un matin — ou un soir — M. Boissier arrive tout joyeux chez Renan, son collègue à l’Académie et au Collège de France.

— J’ai à vous annoncer, dit-il au célèbre exégète, une nouvelle qui va vous humilier.

— Comment ça ?

— Mes autographes se vendent plus cher que les vôtres.

— Ça ne m’étonne pas ! répond Renan, d’un air entendu qui en disait plus long que ses paroles.

— Hier, à la salle des ventes de la rue Drouot, on a mis aux enchères deux lettres, une de vous et une de moi ; la vôtre a été adjugée à trois francs, la mienne à cent sous.

— Je le sais, reprit Renan; mais il n’y a pas de quoi être si fier : en connaissez-vous la raison?

— Non.

— C’est qu’il y a, dans votre lettré, plusieurs fautes d’orthographe Je l’ai là sur mon bureau, votre autographe vendu cent sous ; c’est un de mes amis, qui, se trouvant à la vente et ayant remarqué les perles fausses qui ornaient votre prose, a poussé l’enchère et se l’est fait adjuger. Il me l’a apportée aussitôt en me disant : « Vous remettrez cette lettre M, Boissier ; si on la laissait circuler dans le public avec ses ornements grammaticaux, ça pourrait faire du tort à l’Académie.»

Et Renan ajouta, en remettant la lettre a son collègue :

— Tenez, la voilà ; quand vous serez à cour! d’argent, vous pourrez la reporter à la salle Drouot.

Et les deux Immortels éclatèrent de rire.7

Je n’affirme pas que tous les détails de cette anecdote soient authentiques, mais le fond est vrai.

Et qu’on ne s’imagine pas que M. Gaston Boissier et M. le duc d’Audiffret-Pasquier soient des exceptions dans l’illustre Compagnie : pas un des Quarante ne sait l’orthographe. Parmi ceux d’entre eux qui, en 1868, à Compiègne, à la prière de l’impératrice Eugénie, voulurent bien se soumettre à l’épreuve de la dictée fameuse forgée par Prosper Mérimée, pas un ne sortit de cette épreuve avec honneur, pas un n’eût reçu le brevet élémentaire. Quant à l’impératrice. — qui avait déclaré ne pas comprendre qu’on ne sût pas l’orthographe— sa copie était un écrin royalement garni : elle contenait quatre-vingt dix fautes, graves ou légères, trente de plus que celle de l’empereur. Il est vrai que la dictée était un nid à chausse-trappes, que Mérimée s’était appliqué à la semer de pièges de toute sorte.

Tags : Langue française – Grammaire – Orthographe – Syntaxe

Langue française et loi. Utilisation de la langue corse sur le site internet de la collectivité de Corse

Question écrite n° 06071 de M. Philippe Dallier (Seine-Saint-Denis – Les Républicains), JO Sénat, 12/07/2018, p. 3426.

M. Philippe Dallier attire l’attention de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, au sujet de l’utilisation de la langue corse par la collectivité de Corse.

Les dirigeants de la collectivité de Corse viennent d’introduire la langue corse sur le site internet officiel. Sur « www.isula.corsica », les langues corse et française se mélangent sans qu’une traduction soit proposée systématiquement. À titre d’exemple, le conseil régional de Bretagne met à la disposition des internautes une version de son site en français et une version avec la traduction des contenus en breton.

L’utilisation d’une langue régionale, sans traduction systématique en français, sur le site internet d’une collectivité territoriale de la République va à l’encontre de la loi n° 94–665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite loi Toubon, et à l’article 2 de la Constitution de 1958 qui dispose que « la langue de la République est le français. ».

Il souhaiterait donc connaître la position du Gouvernement sur cette rupture d’égalité pour nos concitoyens habitant en Corse.

Transmise au Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Réponse du Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, JO Sénat du 10/01/2019, p. 126.

L’article 2 de la Constitution dispose que « la langue de la République est le français », son article 75-1 précisant par ailleurs que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». En outre, si l’article 1er de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française dispose que « la langue française (…) est la langue (…) des services publics », son article 21 précise que « les dispositions de la présente loi s’appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s’opposent pas à leur usage ». Par ailleurs, l’article 76 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique a complété la disposition de l’article 1er du décret du 2 thermidor an II (20 juillet 1794), qui prévoit que « nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de le république, être écrit qu’en langue française », pour préciser qu’elle n’a ni pour objet ni pour effet de prohiber l’usage de traductions lorsque l’utilisation de la langue française est assurée. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les autorités publiques peuvent produire des écrits en langues régionales dans la mesure où ceux-ci sont accompagnés d’une version française, permettant à tous une compréhension de la publication et garantissant le principe d’égalité des usagers face au service public.

Sérignes, « La réforme de l’orthographe », 1887.

La Société philologique française a entendu une communication de M. Pierre Malvezin sur la réforme de l’orthographe. Une tentative dans ce sens a déjà été faite, cet hiver par M. Pol Passy, qui essaya de défendre l’ortografe fonétique. La réforme était fort simple, à la portée de toutes les intelligences, surtout des… intelligences au-dessous de la moyenne ; mais elle dénaturait à tel point notre langue, elle lui donnait un tel dessin, qu’elle rencontra plus de, sarcasmes que d’adhésions.

Cette idée est reprise sous une autre forme. Il ne s’agit plus, cette fois, d’écrire le son, mais d’amener la suppression des contradictions et des bizarreries de l’orthographe, en examinant le dédoublement des consonnes, en mettant de l’uniformité dans les dérivés pour garder aux mots leur caractère, en se conformant à l’étymologie ou en la’ redressant – dans le cas où elle a été violée. Voici un échantillon de la prose que ces résultats offriraient :

On peut regrèter de voir doner d’eux consonnes à des mots qui soneraient tout aussi bien avec une seule. Est-ce afaiblir un mot que de lui enlever une lettre qui l’alonge inutilement, avec, cette circonstance agravante que cette soie orthographe jète une certaine obscurité sur la racine qui n’aparaît plus nettement ?

La presse parisiène, loin de l’aclamer, a bondi comme une cabre ou, si vous aimez mieux, a monté à l’escale quand on a parlé de l’orthographe phonétique. « Qu’est-ce que cette antiène ? s’est-èlle écriée, qu’est-ce que cette nouvèle bagatèle ? » Et chacun des méchants garsons de la chronique que ne flate pas ce système musical, anonce à ses lecteurs que M. Paul Passy ne renouvèle point l’orthographe, mais l’écartèle, et amoncèle hérésie sur hérésie. Le fait est, parole d’honeur, que sa réforme était une horeur. Nous autres, nous ne garotons pas l’orthographe projetée que nous anonçons ; nous lui laissons son caractère de race ; nous le lui rendons même quand une mole condescendance le lui a enlevé. Nous rendons à charrette ses deux r gaulois ; ce qui fait carrette ; nous, retournons à l’étymologie qui nous rend carriolet, qu’on s’obstine à nommer cabriolet ; nous y atelons des poulins et des poulines, qu’un méchaht argot d’écurie désigne sous le nom de poulains et de pouliches, au mépris du bon sens.

Ainsi, cette réforme exigerait donc une connaissance approfondie de la langue et de ses racines. Cabre remplacerait chèvre parce que chèvre vient de capra et de capros. Escale remplacerait échelle parce que sa racine celtique est skal. Cependant, M. Pierre Malgevin veut bien considérer que ces dernières modifications pourraient n’être apportées que dans la suite… Elles sont, en effet, très peu pratiques. Qu’on supprime quelques lettres doubles et contradictoires, comme dans donner qui fait donation ou dans renouvelle du verbe renouveler, c’est parfait ; mais que, par amour du celte, on nous fasse dire escale pour échelle, ah ! c’est trop de pédanterie. Excusez-nous, monsieur Malgevin, mais nous ne connaissons pas le celte.

Le défaut des réformateurs est de ne jamais vouloir s’en tenir à l’essentiel et par là, de faire avorter … les projets les plus heureusement conçus.

Simplification de l’orthographe (1893). L’Académie vote « pour », Alfred Capus en rit.

L’Académie française, par 7 voix contre 4, a décidé, sur la proposition de M. Gréard, qu’il y avait lieu de réformer notre orthographe. Les premières réformes vont porter, paraît-il, sur la suppression du trait d’union dans les noms composés, sur la régularisation du pluriel, etc.

C’est une grande victoire pour le vice-recteur et distingué académicien qui a soutenu son plan de réformes avec beaucoup de talent et d’éloquence.

Aussi, à en croire Alfred Capus, M. Gréard, depuis ce succès, ne rêve plus que réformes nouvelles et simplifications d’orthographe plus perfectionnées et plus hardies encore. Notre malicieux confrère prétend même avoir assisté à la scène suivante :

GRÉARD, seul. — Il est doux d’avoir changé l’orthographe de tout un peuple, et c’est une noble satisfaction pour un esprit cultivé. Gréard assis sur les ruines de l’orthographe, voilà un beau sujet de tableau. J’en parlerai à M. Bonnat. Mais qu’est-ce que je vais faire maintenant ? Je sais bien qu’il ne manque pas de choses à réformer… Il y en a même trop, c’est très embarrassant.

LE VALET DE CHAMBRE, entrant. — Le concierge est là qui prétend que monsieur lui a dit de venir ce matin.

GRÉARD. — C’est vrai, je n’y songeais plus. Introduisez-le. Car ce n’est pas tout de voter des réformes, il faut encore les appliquer. (Le concierge entre.) Vous aurez la complaisance de faire poser contre la maison un grand écrite au avec ces mots en grosses lettres : « On désapran lortograf an 25 lesson. Cour de di zeur à midi tou lé jour. »

LE CONCIERGE. — Ce sera fait aujourd’hui, monsieur. (Il sort.)

GRÉARD. — Simplifions, simplifions ! Certes, je suis fier d’avoir simplifié l’orthographe, mais il faudrait aussi simplifier la langue française. Elle est trop compliquée, il y a des tas de mots inutiles. D’ailleurs, les trois quarts des mots sont inutiles, je l’ai déjà remarqué plusieurs fois… Je trouverai un moyen. (Il réfléchit.) Essayons. Jean ?

LE VALET DE CHAMBRE. — Monsieur ?

GRÉARD (désignant ses pieds). — Donnez-moi mes… choses.

LE VALET DE CHAMBRE. — Les bottines de monsieur ?

GRÉARD (joyeux). — Il a compris. Oui mes bottines. Et puis (montrant sa tête) mon… machin.

LE VALET DE CHAMBRE. — Le chapeau de monsieur ?

GRÉARD (au comble de la satisfaction).— Parfaitement. C’est admirable ! Je suis sûr que chose et machin peuvent remplacer à peu près tous les autres mots, en les employant bien. C’est une affaire de tact. Ainsi : Jean ?

LE VALET DE CHAMBRE. — Monsieur ?

GRÉARD. — Vous me ferez pour mon déjeuner deux machins à la coque…

LE VALET DE CHAMBRE. — Deux œufs ?

GRÉARD. — évidemment, et une chose sur le gril…

LE VALET DE CHAMBRE. — Une côtelette ?

GRÉARD. — Parbleu ! il n’y a rien de plus simple. Je crois que j’ai trouvé la plus belle réforme du siècle. Je vais faire une proposition à l’Académie française…

*

Mon Dieu ! que dirait Vaugelas de tout ce grabuge. Et les ombres de Noël et Chapsal ne vont-elles pas tressaillir dans leur tombe !…

Édouard Lockroy, « Les fautes d’orthographe de l’Académie », 1866.

Je consultais l’autre jour — par hasard — cet oracle infaillible. Tout en feuilletant ces pages vénérables, je tombais sur le mot : « Haleine. »

— Je m’aperçus alors, non sans étonnement, que les académiciens lui avaient refusé un pluriel.

— Or, — je vous l’avouerai, — ce refus me paraît injuste.

Il me semble qu’on, devrait, autant que possible, tâcher de rendre les mots égaux devant le dictionnaire comme les Français le sont devant la loi. Pourquoi ce malheureux-ci est-il condamné au singulier à perpétuité ? Je n’y vois pas de bonne raison.

On doit dire, je le sais :

« Ces femmes ont l’haleine douce — ou embaumée. »

Mais ne pourrait-on pas écrire aussi bien cette phrase moins poétique :

« Les haleines des quarante académiciens avaient échauffé l’atmosphère de la salle des séances ? »

Faudrait-il donc mettre — pour s’exprimer correctement :

« L’haleine des quarante académiciens ? »

Il est, d’ailleurs, bien difficile d’obtenir de l’Académie une règle claire. Elle pose, par exemple, en principe, que les locutions françaises, composées de plusieurs mots étrangers, — ne doivent jamais prendre d’S. « Qui-pro-quo» lui sert d’exemple. Or, quelques pages plus haut elle annonce qu’elle tolère « in-promptus.» et elle serait — je crois— toute prête à déclarer que vous ne savez pas l’orthographe si vous écriviez des « fac-totums » sans la marque distinctive du pluriel.

A la vérité, — ces mots étant latins, on peut croire que l’Académicien s’en soucie peu et les laisse se gouverner à leur fantaisie.

Voyons donc les locutions composées de deux mots français.

Le dictionnaire écrit un « va-nu-pieds » — avec un S. Cela se conçoit puisque ce terme indique un homme qui marche les pieds nus. Ici nous ne pouvons que féliciter l’Académie de son bon sens. Malheureusement elle écrit aussi « couvre-pied » — sans S — et « essuie-main  » sans S. — S’imagine-t-elle donc qu’on ne se couvre jamais qu’un pied et qu’on ne s’essuie jamais qu’une main? N’est-il pas, d’ailleurs, bien ridicule de faire suivre ce mot de

Couvre-pied — sans S

de la définition suivante :

« Sorte de petite couverture d’étoffe qui sert à couvrir les pieds. »

On n’en finirait pas si l’on voulait relever toutes les inconséquences semées dans ce grave volume. J’en voudrais, cependant, citer deux encore, qui me semblent plus fortes que les autres. Prenons le mot Gelée. L’académicien affirme, toujours avec le même sérieux, qu’on doit écrire. Gelée de Pomme — sans S. — parce que c’est une gelée qui se fait avec un fruit appelé « pomme ». — Très bien. Fort de ce renseignement et procédant par analogie vous voulez, je suppose, mettre une étiquette sur un pot de confiture aux coings. — Vous écrivez Gelée de Coing — n’est-ce pas ? Hé bien ! — vous vous trompez grossièrement. Consultez, plutôt, le savant dictionnaire, — non plus au mot : Gelée, mais au mot : Coing, il vous apprendra, cette fois, qu’on doit écrire : Gelée de Coings — avec un S, — attendu que c’est une gelée qui se fait avec des fruits nommés coings. Comment n’avez-vous pas deviné cela ?

Mais ce n’est rien. Ouvrez le dictionnaire au mot « oeillet.» Vous y trouverez qu’on doit écrire un pied d’oeillets avec un S, — remarquez !

Voyez-le ensuite au mot : Pied, — il vous apprendra qu’on doit toujours écrire: un pied d’oeillet — sans S — bien entendu !

Mon Dieu je n’attache pas à ces choses plus d’importance qu’elles n’en méritent, j’avoue, cependant, que je ne serais pas fâché d’être fixé sur ces pluriels. Ce n’est point se montrer trop exigeant que de demander cela. Notre pauvre langue est déjà pleine de bizarreries et d’inconséquences ; l’Académie ne devrait pas chercher a en augmenter le nombre. Elle est payée pour ne rien faire, et, il me semble que quand elle travaille à embrouiller les premiers principes de l’orthographe ; — elle ne gagne pas son argent.

Édouard Lockroy, 1866.

La langue française et la loi. Respect de l’orthographe des noms de famille

Question écrite n° 03994 de M. Jean Louis Masson (Moselle – NI) – JO Sénat, 22/03/2018, p. 1326.

Jean Louis Masson rappelle à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice les termes de sa question n°02360 posée le 07/12/2017 sous le titre : « Respect de l’orthographe des noms de famille », qui n’a pas obtenu de réponse à ce jour. Il s’étonne tout particulièrement de ce retard important et il souhaiterait qu’elle lui indique les raisons d’une telle carence.

Réponse du Ministère de la justice, JO Sénat, 05/07/2018, p. 3356.

Les actes de l’état civil doivent être rédigés en langue française. La circulaire du 23 juillet 2014 relative à l’état civil (NOR : JUSC1412888C) rappelle que la loi n°  118 du 2 Thermidor An II (20 juillet 1794) dispose que les actes publics doivent être écrits en langue française sur le territoire de la République. De surcroît, le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle n°  92-554 du 25 juin 1992, dispose que la langue de la République est le français. Il s’ensuit notamment que l’alphabet utilisé doit être celui servant à l’écriture du français couramment dénommé « alphabet romain ». Cet alphabet est un dérivé de l’alphabet latin et romain, qui est employé dans divers États occidentaux avec quelques variantes par rapport à celui dont il est actuellement fait usage en France. Il faut donc n’entendre par alphabet romain que le seul alphabet utilisé pour l’écriture de la langue française. Par conséquent, il n’est pas possible de retenir des signes qui, tout en faisant partie de certains alphabets romains, n’auraient pour autant aucun équivalent en français. Les seuls signes diacritiques admis sont les points, tréma, accents et cédilles tels qu’ils sont souscrits ou suscrits aux voyelles et consonnes autorisées par la langue française. Ainsi, les voyelles et consonnes accompagnées d’un signe diacritique connues de la langue française sont : à-â-ä-é-è-ê-ë-ï-î-ô-ö-ù-û-ü-ÿ-ç. La circulaire du 23 juillet 2014 précise que les ligatures « æ »ou »Æ »et »œ »ou »Œ »équivalents de »ae »(ou »AE ») et « oe »(ou »OE ») sont admises par la langue française. Tout autre signe diacritique attaché à une lettre ou ligature ne peut en revanche être retenu pour l’établissement d’un acte de l’état civil. Il résulte donc de ces principes que le nom d’une personne de nationalité étrangère ou d’origine étrangère doit être inscrit en respectant l’orthographe usitée dans le pays, en ne retenant toutefois que les voyelles et consonnes connues de la langue française, sans reproduire les éventuels signes diacritiques de la langue étrangère, non reconnues dans la langue française. Ces règles doivent être appliquées indépendamment de la prononciation selon la phonétique française.