Chose vue : The Porter (série canadienne)

Inspiré de faits réels et situé dans le fracas des années 1920, THE PORTER (8×60 mn) suit le parcours d’un ensemble de personnages qui se bousculent, rêvent, traversent les frontières et poursuivent leurs ambitions dans la lutte pour la libération – sur et hors des chemins de fer qui traversaient l’Amérique du Nord. C’est une histoire captivante d’autonomisation et d’idéalisme qui met en lumière le moment où les cheminots du Canada et des États-Unis se sont unis pour donner naissance au premier syndicat noir du monde. Se déroulant principalement à Montréal, Chicago et Détroit, alors que le monde se reconstruit après la Première Guerre mondiale, THE PORTER dépeint la communauté noire de Saint-Antoine, à Montréal – connue, à l’époque, comme le « Harlem du Nord ». Ils sont jeunes, doués et noirs, venus du Canada, des Caraïbes et des États-Unis par l’Underground Railroad (le chemin de fer clandestin) et la grande migration [des Afro-Américains du Sud vers le Nord], et ils se retrouvent ensemble au nord et au sud de la « ligne de couleur », à une époque où tout est possible – mais si le changement ne vient pas pour eux, ils viendront pour lui. Par tous les moyens nécessaires.

 

Série originale de CBC et BET+, produite par Inferno Pictures et Sienna Films (une société de Sphere Media), basée à Winnipeg, THE PORTER a été conçue et créée par Arnold Pinnock (Altered Carbon, Travelers) et Bruce Ramsay (19-2, Cardinal), avec Annmarie Morais (Killjoys, Ransom, American Soul), Marsha Greene (Ten Days In The Valley, Mary Kills People) et Aubrey Nealon (Snowpiercer, Cardinal), et produite par Inferno Pictures Inc. de Winnipeg et Sphere Media, une société de Sphere Media. basée à Winnipeg, et Sienna Films de Sphere Media. Morais et Greene sont showrunners et producteurs exécutifs. Charles Officer (Akilla’s Escape, Coroner) et R.T. Thorne (Blindspot, Utopia Falls) réalisent la série et sont producteurs exécutifs. Pinnock est également producteur exécutif, et Ramsay, co-producteur exécutif. Jennifer Kawaja est productrice exécutive pour Sienna Films et Ian Dimerman, producteur exécutif pour Inferno Pictures. La série est écrite par Morais, Greene, Andrew Burrows-Trotman, Priscilla White, Pinnock et Ramsay, avec Thorne participant à la salle des auteurs.

Chose lue. Anthony Guyon : Histoire des Tirailleurs Sénégalais. De l’indigène au soldat, de 1857 à nos jours, Perrin, 2022.

La première histoire globale d’un corps d’armée mythique.
Créé par décret impérial en juillet 1857, le premier bataillon de tirailleurs n’a de sénégalais que le nom : en effet, ce corps de militaires constitué au sein de l’empire colonial français regroupe en réalité toute la « force noire » – c’est-à-dire les soldats africains de couleur qui se battent pour la France.
Si les études portant sur le rôle des tirailleurs sénégalais dans les deux conflits mondiaux sont légion, rares sont les ouvrages qui retracent toute leur histoire, de la création de ce corps au XIXe siècle à sa dissolution en 1960. S’intéressant aux trajectoires collectives comme aux destins individuels (le militant Lamine Senghor, le résistant Addi Bâ ou encore le Français libre Georges Koudoukou), Anthony Guyon propose ici la première synthèse globale sur le sujet. Il revient sur les moments de gloire de cette armée – comme la défense de Reims en 1918, la bataille de Bir Hakeim en 1942 ou l’opération Anvil en 1944 –, autant que sur les tragédies qui jalonnent également son parcours (citons notamment les terribles massacres commis par la Wehrmacht à leur encontre lors de la campagne de France).
Loin des habituels clichés qui font que, aujourd’hui encore, l’iconographie dégradante incarnée par « Y’a bon Banania » demeure l’un des premiers éléments associés à l’identité des tirailleurs sénégalais, cet ouvrage à la fois complet et accessible illustre toute la complexité de leur position à mi-chemin entre les sociétés coloniales et l’autorité métropolitaine. À mettre entre toutes les mains.

Terrorisme et dignité nationalitaire américaine. Le cas de Mohammed Khalid.

Mohammed Khalil est né aux Émirats Arabes Unis avant d’arriver aux États-Unis avec ses parents pakistanais alors qu’il a 13 ans. Deux ans plus tard, commencèrent ses échanges avec une Américaine convertie à l’islam Colleen LaRose avec l’intention d’assassiner un artiste suédois auteur d’une image représentant la tête du prophète sur un corps de chien. Mohammed Khalil aura d’autres contacts en ligne avec des djihadistes, avant d’être interpellé par le FBI quelques jours avoir d’atteint l’âge de 18 ans et d’être poursuivi avec d’autres par des procureurs fédéraux pour conspiration en vue d’apporter du soutien à des terroristes. Après avoir plaidé coupable, il ne fut condamné en 2014 qu’à cinq années de prison, une « mansuétude » promue par les procureurs fédéraux compte tenu de l’aide qu’il a apportée aux agences de lutte contre le terrorisme dans leurs activités d’infiltration des réseaux en ligne.
À l’expiration de sa peine (soit deux années en plus des trois passées en détention provisoire), Mohammed Khalil fut désigné par les autorités fédérales comme devant faire l’objet d’un éloignement du territoire américain, soit une expulsion vers le Pakistan. Ses défenseurs et lui-même jugèrent cette perspective immorale dans la double mesure où sa collaboration avec la police américaine avait signé son « arrêt de mort » au Pakistan et que son repentir était à ce point sincère qu’il faisait désormais partager son expérience d’endoctrinement auprès notamment d’une fondation britannique, la Quilliam Foundation, spécialement investie dans la lutte contre le terrorisme islamiste.
Par ailleurs, les avocats de Mohammed Khalil firent valoir qu’il ne pouvait être expulsé des États-Unis dans la mesure où il était devenu un citoyen américain. C’est que, en effet, son père a été naturalisé le 17 août 2011, à peine un mois après l’arrestation de Mohammed Khalid et à peine quelques jours avant qu’il ne devienne majeur. Les autorités fédérales firent pour leur part constamment valoir que son placement en détention provisoire l’avait rendu inéligible au bénéfice de la nationalité américaine de son père, puisqu’il n’était plus sous l’«autorité parentale ». Dans sa décision Khalid v. Sessions du 13 septembre 2018, la Cour fédérale d’appel du 2e Circuit rejette cet argument dont elle fait notamment valoir que les conséquences en dépasseraient le cas passionnel de Mohammed Khalid : par exemple, fait-elle observer, un(e) adolescent(e) en séjour semestriel d’études à l’étranger ne pourrait pas bénéficier de la naturalisation de ses parents à moins d’avoir regagné le domicile familial avant d’avoir atteint 18 ans. On prêtera attention au fait que deux des juges de la Cour d’appel se sont obligés à produire une « opinion concurrente » (p. 40-41) dans laquelle ils disent approuver l’analyse juridique des autres juges de la Cour mais devoir exprimer leur sentiment que les actes de Mohammed Khalid le rendent, malgré tout, indignes d’être Américain.

Lire l’arrêt