Secrets d’Histoire. Divertissement ou émission d’histoire ?

Ce texte a été écrit il y a un peu plus de deux ans à destination d’une journaliste dans le contexte de la parution de L’Identité française et la loi, qui consacre de longs développements sur le statut de l’histoire dans le débat public français.   

Dans une lettre adressée en 2015 à la nouvelle présidente de France Télévisions, Jean-Luc Mélenchon et Alexis Corbière déconstruisent l’émission historique de référence de France Télévisions. Leur critique mettait en cause la « partialité » de la préférence historiographique des producteurs et du diffuseur de ce programme :

« Depuis 2008 », écrivaient-ils, « France 2 a diffusé 88 épisodes différents de « Secrets d’Histoire ». Sur ces 88 opus, plus de 60% sont consacrés exclusivement à des monarques et leurs favorites. Sur les moins de 40 % restant, dont l’essentiel est consacré à des artistes (écrivains et peintres), ou des personnages folkloriques et très secondaires de l’histoire universelle (Mata Hari, le chevalier d’Eon, Robin des Bois, la bête de Gevaudan, etc.) seulement 5 émissions, soit 6% ( !) de la totalité, ont été consacrée à des personnalités ou des lieux liés à la République. En voici la liste précise  et exhaustive : le Général de Gaulle, Georges Clemenceau, Georges Danton, la journée du 14 juillet 1789 et le Palais de l’élysée. C’est tout. C’est peu ».

Les critiques de Jean-Luc Mélenchon et d’Alexis Corbière ont une évidence factuelle telle que l’on peut difficilement concevoir que cette évidence n’ait pas sauté aux yeux de France Télévisions. D’autant moins que l’opérateur public a une autojustification rodée et qui dit en substance : « Secret d’Histoire ça marche alors que ça marche moins quand on essaie de relever quelque peu le niveau, comme avec L’Ombre d’un doute ». La différence de « niveau » que désigne ainsi l’opérateur public s’établit en réalité entre deux productions audiovisuelles ayant en commun une vision relativement étriquée de l’Histoire de France.

La critique de Jean-Luc Mélenchon et d’Alexis Corbière a cependant aussi ses limites. Si l’on y prête attention, ce qu’ils mettent en cause, ce sont les récits et les allégories manquant(e)s dans la programmation de Secrets d’Histoire mais pas le fait que le programme ne soit pas, à proprement parler, de facture « historiographique ». En d’autres termes, Jean-Luc Mélenchon et Alexis Corbière conçoivent implicitement avec les producteurs et les diffuseurs que des productions audiovisuelles « sur l’histoire » ne peuvent pas être chose qu’une exaltation des grands héros nationaux, dans une tradition héritée de l’école romantique (à la Jules Michelet) mais obsolétisée par les historiens français depuis le XIXe siècle (Taine, Renan, Seignobos, Lavisse et bien d’autres, pour ne même pas parler des Annales au XXe siècle).

De fait, ce sont des noms propres qui sont opposés à France Télévisions par les deux responsables politiques, plutôt que ce qui fait l’essentiel de l’historiographie contemporaine, soit des objets et des champs (l’histoire des femmes, l’histoire des pratiques quotidiennes, l’histoire des mentalités, des sensibilités ou des représentations), voire des conceptions nouvelles du travail biographique de l’historien. D’autre part, Jean-Luc Mélenchon et Alexis Corbière ne se formalisent pas de ce que Secrets d’Histoire ou d’autres programmes de même facture s’obligent clairement à ne pas « encombrer » le téléspectateur ou l’auditeur avec des controverses historiographiques. Cette vision non-dialectique du travail de l’historien ‒ celle qui fait choisir à chacun l’historien ou les historiens dont les analyses lui « plaisent » ou lui « conviennent » ‒ est extrêmement présente dans l’espace politique et médiatique et français. Un exemple parmi d’autres peut être tiré de l’échange remarqué entre Léa Salamé et éric Zemmour sur… France 2 : la première contesta les analyses du second en invoquant Robert Paxton, « notre maître à tous ». Or Paxton pouvait d’autant moins être « notre maître à tous » que ses analyses n’ont pratiquement jamais fait l’unanimité chez les historiens français ou étrangers de Vichy, pour des raisons qui ne sont d’ailleurs pas celles qui justifient l’opprobre jeté par Eric Zemmour sur l’éminent historien américain.

La persistance rétinienne de la tradition romantique dans laquelle s’inscrit le propos de Jean-Luc Mélenchon et Alexis Corbière ‒ le roman national n’est qu’une facette de cette tradition ‒ explique largement pourquoi la France est le seul pays au monde où une offre importante de livres d’histoire écrits par des acteurs politiques (des hommes en l’occurrence) et portant quasi-exclusivement sur de grands héros nationaux entend concurrencer le travail des historiens ayant une formation académique, quand bien même la différence entre les appareils de sources des deux types de publications est constamment remarquable.

Il reste quand même une question plus dérangeante et que se posent constamment tous ceux qui ont le loisir de séjourner en France : pourquoi y a-t-il, dans notre culture politique, une convocation de l’histoire dont l’emprise est sans équivalent dans le reste du monde ? Cette emprise est communément justifiée par les élites politiques et culturelles par l’idée (assez prosaïque) selon laquelle l’histoire éclaire nécessairement le présent.  Est-il permis d’y voir plutôt un scepticisme vis-à-vis de l’idée de progrès et du futur ? France Télévisions a raison de dire que son offre de programmes relative à l’histoire est riche. Mais France Télévisions ne s’avise pas de ce que, ailleurs (Royaume-Uni, Belgique, pays scandinaves, états-Unis…), les programmes de prospective intéressent davantage que les programmes d’histoire.

Impeachment de Trump. Vues européennes

INTERVIEW. Destitution : l’attitude de Trump, « sans précédent » et « sans fondement ». Par Frédéric Autran — Libération, 10 octobre 2019 à 05:59 Spécialiste de la Constitution, l’avocate américaine Caroline Fredrickson analyse le choix de la Maison Blanche et anticipe les prochaines étapes de la procédure.

Destitution : l’attitude de Trump, « sans précédent » et « sans fondement » Après une longue carrière politique, notamment auprès de sénateurs démocrates et au sein de l’administration Clinton, l’avocate Caroline Fredrickson est aujourd’hui présidente émérite de l’American Constitution Society, un groupe progressiste spécialisé sur les dossiers judiciaires et constitutionnels. De passage à Paris, où elle participe ce jeudi au Congrès de l’Institut des Amériques, elle analyse pour Libération le refus de Donald Trump de coopérer avec l’enquête pour impeachment lancée à la Chambre des représentants.

Comment analysez-vous le refus catégorique de la Maison Blanche de coopérer avec l’enquête en destitution lancée par les démocrates à la Chambre ?

C’est un scandale parce que l’article 1 de la Constitution, relatif au pouvoir législatif, établit précisément que le Congrès dispose du pouvoir de destituer un président notamment, comme cela est précisé plus loin, si celui-ci se rend coupable de « crimes et délits majeurs ». La Constitution est claire : seule la Chambre dispose du pouvoir de voter la mise en accusation. Cela lui confère, de fait, un rôle de surveillance de l’exécutif. Ce n’est pas anodin si les « pères fondateurs » ont gravé cela dans le premier article de la Constitution. A leurs yeux, le rôle des représentants du peuple dans le contrôle des abus potentiels de l’exécutif était la provision la plus importante. L’attitude de la Maison Blanche n’est donc pas seulement sans précédent, elle est aussi sans fondement. La Président ne peut pas prétendre que cette enquête est inconstitutionnelle alors que le Congrès fait ce que lui dit de faire la Constitution.

Pour justifier ce refus de coopérer, le conseiller juridique de la Maison Blanche dénonce l’absence d’un vote formel en plénière ouvrant la procédure de mise en accusation…

Il n’y a aucune obligation de tenir un tel vote, comme je l’ai d’ailleurs expliqué récemment lors d’une audition à la Chambre. L’enquête sur le Watergate a débuté à la commission judiciaire près d’un an avant que la Chambre ne vote officiellement pour adopter les articles d’impeachment. Et historiquement, ces enquêtes ont même eu suffisamment de poids pour que les tribunaux forcent l’exécutif à remettre des documents. C’est ce qui s’est passé avec Nixon : le juge Sirica a remis des éléments à la commission judiciaire pour lui permettre de poursuivre son enquête. La demande de Trump qu’un vote de la Chambre ait lieu est donc contradictoire avec le texte de la Constitution et contraire à la façon dont la Chambre a opéré par le passé.

D’un point de vue pratique, quelles peuvent être les conséquences de ce refus de coopérer ?

D’abord, cela va sans doute renforcer la volonté des démocrates d’aller de l’avant et de voter rapidement les articles de mise en accusation. Cela rajoute aussi un élément nouveau à l’accusation d’entrave. L’obstruction est un délit majeur qui constitue en lui-même un motif de mise en accusation. Cela renforce donc le dossier des démocrates, notamment vis-à-vis des juges qui doivent se prononcer sur cette affaire. Car plus l’entrave est évidente, plus la Chambre se rapproche d’un vote sur les articles d’accusation, et plus la pression sur les juges va se faire sentir pour qu’ils forcent l’administration à coopérer.

Et si Donald Trump et la Maison Blanche ignorent les injonctions d’un juge ?

C’est une question cruciale. Si les tribunaux, et je pense qu’il est probable qu’ils le fassent, ordonnent au Président de remettre des documents et d’autoriser des témoins à comparaître, et que la Maison Blanche continue de refuser, alors nous plongerons clairement dans une crise constitutionnelle. Le pays se retrouverait face à un conflit entre les branches du gouvernement qui bafouerait la structure même de notre Constitution. Cela nous mettrait dans une situation que nous n’avons pas connue depuis la Guerre civile.

Pour vous, la crise constitutionnelle n’est donc pas encore atteinte ?

Non, il nous reste une étape à franchir. De nombreux présidents ont résisté au contrôle législatif. Je ne crois pas qu’un président ait déjà dit aussi catégoriquement au Congrès qu’il ne reconnaissait pas son droit à la surveillance, mais il y a déjà eu une certaine résistance à fournir documents et témoins. Cependant, si Trump et son équipe en venaient à résister à un ordre d’un tribunal, nous serions dans une tout autre situation. Et il semble probable que cela arrive.

Que peut-il se passer désormais, et à quelle échéance ?

Le processus va sans doute s’accélérer, aussi bien sur le plan politique que judiciaire. Je m’attends à ce que la Chambre adopte rapidement des articles de mise en accusation. Et lorsque cela arrivera, les tribunaux iront sans doute plus vite eux aussi, car les juges savent que le pays traverse une crise profonde et qu’il y a un sentiment d’urgence.

Dans le cadre de leur enquête, est-ce un problème pour les démocrates de ne pas pouvoir entendre davantage de témoins et récupérer plus de documents ?

Je crois que les démocrates ont déjà suffisamment d’éléments – d’autant plus avec cette entrave manifeste à l’enquête – pour adopter des articles de mise en accusation. Cela peut jouer en revanche sur l’évolution de l’opinion publique en faveur d’un impeachment. Pour les citoyens, voir les témoins à la télévision, entendre leurs voix à la radio, a un impact dramatique plus fort que de lire leurs propos dans un article. Les auditions du Watergate furent toutes télévisées et cela a joué un rôle considérable pour aider les Américains à comprendre ce que le Président Nixon avait fait. Cela étant, les sondages montrent déjà clairement une évolution récente et très rapide des Américains, qui sont beaucoup plus nombreux à soutenir l’impeachment qu’il y a deux semaines.

« Trump est-il fichu ? », Courrier international, octobre 2019.

Avec Donald Trump, c’est chaque fois la même chose. L’outrance le dispute à l’inconstance, l’arrogance à la paranoïa. Faut-il en parler ou pas  ? Jusqu’à quel point  ? Et relayer ces incessants messages de division, ces tweets compulsifs pour toute diplomatie, cette triste comédie du pouvoir… ?

En 2016, à l’instar de la presse américaine, nous n’avons pas vraiment vu (comme tant d’autres) venir Trump, nous n’avons pas entendu cette colère monter dans l’Amérique profonde. Le milliardaire éructant paraissait si loin du compte… et puis les Américains l’ont élu à la Maison-Blanche. Et dans un immense renversement, les médias qui l’avaient sous-estimé se sont mis à rapporter le moindre de ses propos. Donald Trump le sait, et il en joue.

Qu’importe le message, l’important c’est qu’on parle de lui. Depuis qu’il a été élu, il multiplie les provocations et les revirements, insulte ses adversaires, crie au complot perpétuel. Parmi ses dernières sorties délirantes : selon le New York Times, il aurait proposé de tirer dans les jambes des migrants qui franchissent la frontière mexicaine. Et cette semaine, après avoir promis à Erdogan que les Américains se retireraient du nord de la Syrie, il fait machine arrière pour menacer la Turquie en cas d’attaque contre les Kurdes.

De l’inconstance, toujours… Jusque-là, à chaque fois, Donald Trump s’en sortait. Mais cette fois, c’est différent.

Pour la première fois dans l’histoire américaine, une procédure d’impeachment (lancée par les démocrates après la révélation d’une conversation téléphonique compromettante avec le président ukrainien) concerne une question de politique étrangère(*). Avant lui, Andrew Johnson, Richard Nixon et Bill Clinton avaient fait l’objet d’une telle procédure. Mais jamais pour ce motif.

Un traître à la Maison-Blanche  ?

L’affaire prend alors une tout autre envergure. Et pourtant… Le pire, dans cette histoire, c’est qu’il y a toujours un risque de victimisation de Trump. Pour The Atlantic, c’est comme ça que le président milliardaire s’est toujours tiré d’affaire, et comme ça qu’il s’en sortira cette fois encore. Donald Trump est passé maître dans l’art de la victimisation. Aujourd’hui encore, il crie au complot du “deep state” (“État profond”) et accuse indifféremment les grandes agences (CIA, FBI) et la haute administration de se liguer contre lui.

Des accusations qui ne laissent pas indifférente la presse américaine, plus divisée que jamais. C’est pourquoi nous avons choisi de construire ce dossier autour d’une controverse en posant cette question très directe : Trump est-il fichu  ?

Du New York Times à Fox News, du Washington Post au Los Angeles Times, la réponse est loin de faire l’unanimité. Les éléments à charge ont beau s’accumuler contre le président américain (il doit désormais faire face à plusieurs lanceurs d’alerte), en fin de compte, il pourrait tirer profit de tout ce déballage. Car si la campagne qui commence est polluée par le débat sur l’impeachment, toute l’attention du pays va se concentrer sur le cirque de Trump, et les véritables problèmes des Américains passeront au second plan, s’inquiétait récemment un chroniqueur du New York Times.

Claire Carrard

(*) NDE. Ce qui est écrit ici est inexact : l’enquête pour Impeachment en cours ne vise pas une question de « politique étrangère » mais une inconduite supposée du président destinée à corrompre le processus électoral américain.

 

Corentin Penarguear, « A Washington, la guerre totale est déclarée », L’Express, 9 octobre 2019.

Gilles Paris, Correspondances de New-York pour Le Monde.

 

Elle, octobre 2019.

Muriel Gilbert et les bonbons sous la langue

Amis des mots, phobiques de l’orthographe et amateurs de la langue de Molière vont se frotter les mains : Muriel Gilbert est de retour avec un livre malin, ludique et désopilant pour tous les amoureux du français. En une centaine de chroniques, la plus célèbre des correctrices distille ses petits conseils et déchiffre les excentricités de notre langue. Elle tente par exemple de nous réconcilier avec la ponctuation, fait le point sur ce qu’on appelle les signes diacritiques, ou lève le voile sur les mystères de l’impératif. Le tout en répondant à un tas de questions que l’on n’oserait jamais se poser : comment accorder le pronom « on » ? Faut-il dire « c’est les vacances » ou « ce sont les vacances » ? Pourquoi écrit-on « finiS ta soupe », mais « mangE ta soupe » ? Des textes aussi courts qu’éclairants qui mettent la langue française et ses mystères à la portée de tous.

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Ecouter les chroniques de Muriel Gilbert sur RTL.

JDD, 13 octobre 2019

Langue française : la grammaire des Académiciens

Toujours la grammaire et l’Académie…

Si, après tous les efforts qu’on a dépensés à l’apprendre, on savait jamais l’orthographe ! Mais les écoliers, je dis les plus huppés, ne la savent pas ; et non seulement les écoliers, mais les instituteurs, chargés de l’enseigner ; mais les membres de l’Académie française, chargés de rédiger le dictionnaire ; mais M. le duc d’Audiffret-Pasquier, qui, dans la lettre où il posait sa candidature à l’Académie, écrivait « accadémie » avec deux c; mais le secrétaire perpétuel de l’Académie, M. Gaston Boissier, qui un jour, dans une vente aux enchères, vit un de ses autographes adjugé à un prix assez élevé, parce qu’il contenait à son insu des fautes d’orthographe. Pourquoi, après tout, ne pas narrer l’histoire ?

Et voici la curieuse anecdote que nous conte M. Renard dans la Revue des Revues :

Un matin — ou un soir — M. Boissier arrive tout joyeux chez Renan, son collègue à l’Académie et au Collège de France.

— J’ai à vous annoncer, dit-il au célèbre exégète, une nouvelle qui va vous humilier.

— Comment ça ?

— Mes autographes se vendent plus cher que les vôtres.

— Ça ne m’étonne pas ! répond Renan, d’un air entendu qui en disait plus long que ses paroles.

— Hier, à la salle des ventes de la rue Drouot, on a mis aux enchères deux lettres, une de vous et une de moi ; la vôtre a été adjugée à trois francs, la mienne à cent sous.

— Je le sais, reprit Renan; mais il n’y a pas de quoi être si fier : en connaissez-vous la raison?

— Non.

— C’est qu’il y a, dans votre lettré, plusieurs fautes d’orthographe Je l’ai là sur mon bureau, votre autographe vendu cent sous ; c’est un de mes amis, qui, se trouvant à la vente et ayant remarqué les perles fausses qui ornaient votre prose, a poussé l’enchère et se l’est fait adjuger. Il me l’a apportée aussitôt en me disant : « Vous remettrez cette lettre M, Boissier ; si on la laissait circuler dans le public avec ses ornements grammaticaux, ça pourrait faire du tort à l’Académie.»

Et Renan ajouta, en remettant la lettre a son collègue :

— Tenez, la voilà ; quand vous serez à cour! d’argent, vous pourrez la reporter à la salle Drouot.

Et les deux Immortels éclatèrent de rire.7

Je n’affirme pas que tous les détails de cette anecdote soient authentiques, mais le fond est vrai.

Et qu’on ne s’imagine pas que M. Gaston Boissier et M. le duc d’Audiffret-Pasquier soient des exceptions dans l’illustre Compagnie : pas un des Quarante ne sait l’orthographe. Parmi ceux d’entre eux qui, en 1868, à Compiègne, à la prière de l’impératrice Eugénie, voulurent bien se soumettre à l’épreuve de la dictée fameuse forgée par Prosper Mérimée, pas un ne sortit de cette épreuve avec honneur, pas un n’eût reçu le brevet élémentaire. Quant à l’impératrice. — qui avait déclaré ne pas comprendre qu’on ne sût pas l’orthographe— sa copie était un écrin royalement garni : elle contenait quatre-vingt dix fautes, graves ou légères, trente de plus que celle de l’empereur. Il est vrai que la dictée était un nid à chausse-trappes, que Mérimée s’était appliqué à la semer de pièges de toute sorte.

Tags : Langue française – Grammaire – Orthographe – Syntaxe