Douala, Palimpseste.
Louis-Ferdinand Céline – 1er mai 1917 – Retour d’Afrique
Le 1er mai 1917, le RMS Tarquah de l’Affican Steamship Company entre dans le port de Liverpool, en provenance d’Afrique, avec à son bord Louis Destouches dans un très piètre état. Il a vingt-deux ans et vient de passer un an au Cameroun, protectorat allemand occupé par les Anglais et les Français, au service de la Compagnie forestière Shanga-Oubangui. Après quelques mois au consulat de Londres où il avait découvert les bas-fonds et s’était même marié, le jeune réformé avait quitté l’Europe pour un poste en Afrique de « surveillant de plantations ».
Loin des combats, il suit les événements du front sur lesquels il jette un regard froid. Révolté contre les horreurs de la guerre, Louis rentrera d’Afrique avec le même sentiment d’indignation contre la condition faite aux Africains par l’Administration coloniale, qu’il exprimera avec autant de force que d’humour dans Voyage au bout de la nuit : « La chasse ne donnait guère autour du village, et on n’y bouffait pas moins d’une grand-mère par semaine, faute de gazelles.» Et ceci : « quelques tribus, extrêmement disséminées croupissaient çà et là entre leurs puces et leurs mouches, abruties par les totems en se gavant invariablement de maniocs pourris. ( ..) Peuplades parfaitement naïves et candidement cannibales, ahuries de misère, ravagées par mille pestes.» Et aussi : « La trique finit par fatiguer celui qui la manie, tandis que l’espoir de devenir puissants et riches dont les Blancs sont gavés, ça ne coûte rien, absolument rien! » Et encore : « Faut les voler avant qu’ils vous volent, c’est ça le commerce.» Enfin, pour en finir avec l’Afrique : « C’est par les odeurs que finissent les êtres, les pays et les choses. Toutes les aventures s’en vont par le nez j’ai fermé les yeux parce que vraiment je ne pouvais plus les ouvrir. L’odeur âcre d’Afrique, nuit après nuit, s’est estompée. Il me devint de plus en plus difficile de retrouver son lourd mélange de terre morte, d’entrejambes et de safran pilé. »
François GIBAULT
Douala. Palimpseste.
Douala. Palimpseste.
Douala. Palimpseste.
Douala. Palimpseste.
Douala. Palimpseste.
Douala. Palimpseste.
Parler est-ce apprendre à penser ?
Chaque langue porterait en elle une culture, une vision du monde, une façon de raisonner… Pourtant cette « relativité linguistique », dite aussi « hypothèse de Sapir-Whorf », est loin d’être aussi radicale.
Moins on a de vocabulaire, moins on a de concepts pour réfléchir, suggérait l’écrivain Georges Orwell dans 1984. Dans ce roman, un État totalitaire impose à ses sujets une réduction de leur lexique à quelques mots pratiques pour la vie de tous les jours, une « novlangue » simpliste, les rendant incapables de saisir les nuances de la pensée et de raisonner. Aujourd’hui encore, cette idée pousse des parents, des professionnels de l’éducation ou encore des politiques à établir un lien de cause à effet entre le nombre de mots appris par un enfant et son niveau d’intelligence. Elle suggère aussi que les représentations mentales d’une personne seraient conditionnées par le lexique de sa langue natale : on verrait différemment les choses à travers le prisme du français, du danois, du wolof ou encore du quechua…
Douala. Palimpseste.