Thomas Paine, penseur et défenseur des droits humains

Peu connu en France, Thomas Paine fut pourtant député de la Révolution française et ardent défenseur des droits de l’homme. Après avoir été parmi les organisateurs de l’Indépendance américaine en 1776, il a rejoint Paris pour défendre, par la plume et par le verbe, les valeurs fondamentales de liberté, d’égalité et de fraternité, et leur inscription juridique dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Guidé par sa confiance dans l’humanité, il condamne dans ses ouvrages la corruption et le pouvoir héréditaire. Il y développe l’idée d’une connaissance universelle émancipatrice.

Thomas Paine

Le présent recueil contient les deux textes fondamentaux de Thomas Paine sur les droits de l’homme. Il est introduit par Peter Linebaugh, historien spécialiste des communs. Pour compléter la documentation, nous y avons joint la Déclaration universelle des droits humains de 1948, et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne rédigée par Olympe de Gouges. Deux petits essais permettent une mise en perspective de l’héritage et du génie visionnaire de Thomas Paine, et une découverte de sa biographie rocambolesque.

« Anglais de naissance français par décret américain d’adoption », telle pourrait être la courte biographie de Thomas Paine. Ayant participé aux grands événements de la période révolutionnaire de la fin du XVIIIe siècle, Thomas Paine a écrit de nombreux ouvrages populaires, dont les deux partie de Droits de l’Homme reproduites ici..

Cet ouvrage est le fruit du travail des étudiantes du Master Édition, mémoire des textes de l’université de Caen, sous la direction de Nicolas Taffin, qui y enseigne l’édition.

L’étonnement que la Révolution française a causé dans toute l’Europe doit être considéré sous deux points de vue différents : d’abord, en tant que cette révolution affecte les habitants des pays étrangers ; secondement, en tant qu’elle affecte les gouvernements de ces mêmes pays.

La cause du peuple français est celle de toute l’Europe, ou plutôt celle du monde entier ; mais les gouvernements de tous les pays ne lui sont aucunement favorables. Il est à propos de ne jamais perdre de vue cette distinction. Il ne faut point confondre les peuples avec leurs gouvernements, et particulièrement le peuple anglais avec son gouvernement.

[…]

Tandis que la Déclaration des droits était en agitation à l’Assemblée nationale, quelques-uns de ses membres remarquèrent que si on publiait une déclaration de droits, il fallait qu’elle fût accompagnée d’une déclaration de devoirs. Cette observation annonce de la réflexion : ils n’erraient cependant que parce qu’ils ne réfléchissaient pas assez profondément. Une déclaration de droits est aussi une déclaration de devoirs réciproques. Ce qui est mon droit comme homme, est également le droit d’un autre homme ; et il est de mon devoir de lui garantir le sien comme de posséder le mien.

Thomas Paine

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La langue française et la loi. Situation du Wallisien et du Futunien.

Question écrite n° 15288 de M. Sylvain Brial (Libertés et Territoires – Wallis-et-Futuna), JO, 18/12/2018, p. 11606.

Sylvain Brial interroge M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse sur la situation de l’enseignement des langues locales, langues vernaculaires, dans les iles de Wallis et de Futuna. Le territoire de Wallis à sa propre langue, le Wallisien, le territoire de Futuna a sa propre langue le Futunien. Dans les familles c’est la langue locale qui est parlée. Le français est enseigné en primaire avec un quota d’enseignement de la langue locale, selon les niveaux. Il l’interroge sur les conditions dans lesquelles les langues locales sont enseignées en primaire, puis dans le secondaire. Il souhaite également savoir s’il est possible de les présenter aux examens et spécialement au baccalauréat.

Réponse du ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, JO, 3/09/2019, p. 7866.

Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse est attaché à la préservation et à la transmission des diverses formes du patrimoine linguistique et culturel des territoires français, et la situation de l’enseignement des langues régionales fait l’objet de la plus grande attention dans les académies et territoires concernés. La circulaire n° 2017-072 du 12 avril 2017 a rappelé d’une part cet attachement, d’autre part le cadre de l’enseignement des langues et cultures régionales. Le wallisien et le futunien font partie des langues enseignées à ce titre, et les élèves scolarisés sur le territoire de la collectivité d’Outre-mer de Wallis-et-Futuna peuvent suivre un enseignement de wallisien ou de futunien de l’école primaire jusqu’à la fin du lycée. C’est aussi parce que ces langues sont les langues maternelles des enfants, parlées dans les familles, que l’école leur ménage une place importante. Ainsi, en petite section de l’école maternelle, l’accueil des élèves se fait en langue vernaculaire, le français n’occupant que 10 % environ du temps. Puis durant les deux années suivantes, les proportions s’inversent progressivement pour arriver à un enseignement dispensé très majoritairement en français en grande section. Les professeurs s’appuient sur les acquis linguistiques des élèves en wallisien ou futunien pour développer progressivement leurs compétences linguistiques et favoriser l’apprentissage du français, langue de la scolarisation. À l’école élémentaire, entre une heure et une heure trente hebdomadaire est consacrée aux langues vernaculaires. Cet enseignement se poursuit au collège à raison d’une heure hebdomadaire. Les modalités de passation et d’attribution du diplôme national du brevet contribuent à valoriser l’enseignement du wallisien ou du futunien. En effet, à l’épreuve orale, le candidat a la possibilité de présenter en partie son projet en langue régionale. En outre, l’enseignement facultatif de langues et cultures régionales est valorisé par des points supplémentaires obtenus si le candidat a atteint (dix points) ou dépassé (vingt points) les objectifs d’apprentissage du cycle. Enfin, les candidats ont la possibilité de demander l’inscription d’une mention « langue régionale », suivie de la désignation de la langue concernée, sur le diplôme national du brevet ; cette mention est inscrite s’ils ont obtenu la validation du niveau A2 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) pour cette langue. Au lycée général et technologique enfin, les élèves peuvent choisir de suivre un enseignement de trois heures par semaine en wallisien ou en futunien. Ainsi, environ la moitié des élèves du second degré reçoivent un enseignement de langues et cultures régionales, et 30 % des élèves de la classe terminale présentent une de ces langues au baccalauréat au titre de la langue vivante 2 ou de la langue vivante 3.

Décideurs publics, célébrités et vie privée (à propos de l’affaire Griveaux)

La publication d’une « sextape » de l’ancien ministre et ancien candidat aux élections municipales à Paris, Benjamin Griveaux, a été l’occasion d’une nébuleuse bruissante d’opinions sur le droit à la vie privée. Au prix de certaines croyances, comme celle voulant que seuls ceux qui ont « quelque chose à cacher » sont intéressés à ce droit.
Or, Daniel J. Solove et d’autres l’ont montré depuis longtemps, le droit à la vie privée ne se justifie pas moins pour quiconque n’aurait « rien à cacher ». Au demeurant, il est prouvé qu’aucune prétention de n’avoir « rien à cacher » ne résiste à une épreuve empirique. Celle des croyances à laquelle on voudra s’arrêter ressort de l’affirmation selon laquelle « la France a les lois les plus protectrices de la vie privée au monde » et qu’il y aurait une « exception française » en la matière qui serait menacée par « l’américanisation » de la culture française.
Le droit à la vie privée, et il convient de partir de là, comprend une double dimension. D’une part, ce droit protège les individus contre des intrusions autres que judiciaires dans différents aspects de leur vie personnelle (le domicile, les correspondances, les données de navigation en ligne, les déplacements…). D’autre part, ce droit protège les individus de certaines révélations publiques (sur les parentés, sur les affaires, sur les revenus ou le patrimoine, sur la situation fiscale, sur la santé, sur la vie amoureuse ou sexuelle…). Ce n’est donc que sous son second aspect que la question du droit à la vie privée se pose de manière inflammatoire s’agissant des personnalités publiques et des agents publics (au-delà des décideurs publics).

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Elena Kagan, juge pivot à la Cour suprême

Dans sa livraison du 18 novembre 2019, le New Yorker propose, sous la plume de Margaret Talbot, un imposant portrait intellectuel et politique de la juge Elena Kagan de la Cour suprême des Etats-Unis.  Elena Kagan apparaît ici telle qu’elle est réellement : la plus « dense » des juges « progressistes », autrement dit de la minorité de la Cour ; la plus  subtile politiquement de cette même minorité, puisqu’elle est sensible à la volonté du président conservateur de la Cour, John Roberts, de desserrer l’étau de la polarisation de la Cour autour d’un clivage droite/gauche, conservateurs/progressistes.

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Le Grand oral du CRFPA (V). Cas pratique et plaidoiries.

A la demande d’une association de locataires, une société propriétaire d’un ensemble immobilier a fait installer une clôture des lieux et a limité l’accès par des portes s’ouvrant par digicode. Toutefois, certains résidents font valoir que, pour des motifs religieux, il leur est interdit d’utiliser ces systèmes de fermeture pendant le Shabbat et certaines autres fêtes. Ils sollicitent donc du juge des référés qu’il ordonne à la société propriétaire de l’ensemble immobilier d’y installer une serrure mécanique. Comment vous y prendriez-vous, en qualité d’avocat de  la société concernée, pour amener le juge des référés à ne pas accéder aux exigences des demandeurs ?

Exposé du candidat (10-15 mn)

Madame, Monsieur, le cas dont nous sommes saisis est le suivant : […].

Avant de répondre directement et précisément à la question qui nous est posée – à savoir comment nous nous y prendrions dans la défense de la société propriétaire de l’ensemble immobilier – (II), nous nous proposons d’analyser la demande de l’association des locataires, afin d’en préciser le sens juridique (I). La 1re partie me sert à imaginer le type d’argumentation juridique que l’association des locataires peut avoir développé à l’appui de sa demande ; La 2ème partie me sert à la contrecarrer. Mon exposé n’en est que plus simple, « carré ».

I- Ainsi donc, la demande dont nous sommes saisis touche à la question du retentissement ou des conséquences en matière d’exécution d’un contrat des convictions religieuses de l’un des cocontractants, lorsque ces convictions n’ont pas été intégrées au contrat par les parties elles-mêmes. Cette demande appelle certaines précisions.

Manifestement – et c’est là notre première précision – les requérants entendent faire admettre au juge des référés qu’indépendamment du silence des parties au contrat sur ce point, l’exécution du contrat doit s’approprier les conditions religieuses de l’une des parties.

Or – et c’est notre deuxième précision – cette interprétation ne peut se développer qu’à la faveur d’une combinaison entre la liberté constitutionnelle et conventionnelle de religion d’une part et le principe d’exécution de bonne foi des contrats d’autre part.

Le premier de ces principes – la liberté de pensée, de conscience et de religion – n’a pas seulement un aspect négatif qui interdit aux États ou aux pouvoirs publics de s’immiscer dans les croyances philosophiques ou religieuses des citoyens ; il a également un aspect plus positif qui veut que les États, à travers leur législation, garantissent un exercice des croyances religieuses.

La combinaison de ce principe avec le principe d’exécution de bonne foi des contrats énoncé à l’article 1134 al. 3 du code civil pourrait donc conduire le juge des référés à accéder à la demande du requérant tendant à obliger notre client à installer une serrure mécanique dans son immeuble. Plus généralement, cette demande, si elle était satisfaite, obligerait les bailleurs à adapter les lieux loués aux prescriptions religieuses dont se réclament les locataires.

II- Il nous semble au contraire – et telle est la substance de l’argumentation que nous développerions devant le juge des référés – que sauf stipulation expresse, les convictions et pratiques religieuses des cocontractants ne sauraient être considérées comme un élément du contrat lui-même ou de son exécution. Trois arguments militent en faveur de cette interprétation.

Le premier argument est tiré de la jurisprudence sociale de la Cour de cassation. En effet, dans un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 24 mars 1998, la Cour a en effet posé que « s’il est exact que l’employeur est tenu de respecter les convictions religieuses de son salarié, celles-ci, sauf clause expresse, n’entrent pas dans le cadre du contrat de travail et que l’employeur ne commet aucune faute en demandant au salarié d’exécuter la tâche pour laquelle il a été embauché, dès l’instant que celle-ci n’est pas contraire à une disposition d’ordre public ». Cette jurisprudence nous paraît d’autant plus remarquable qu’elle tend paradoxalement à protéger les convictions religieuses, puisque sinon l’on ne voit pas comment serait conjurée la discrimination pour motifs religieux dans l’exécution du contrat de travail alors que cette discrimination est sanctionnée par les articles L. 122-45 du code du travail et 225-1 du code pénal.

D’autre part, et c’est le second point de notre argumentation, la liberté de pensée, de conscience et de religion n’a pas la portée générale et absolue que suggère la demande des requérants. S’il est vrai que la Cour européenne des droits de l’homme admet que l’article 9 de la Convention a un effet horizontal, au point de s’opposer par exemple au licenciement par un hôpital catholique d’un médecin s’étant déclaré favorable à l’avortement (Comm. Rommelfanger c/ France, 6 sept. 1989), on peut néanmoins mettre en évidence de nombreux arrêts de la Cour fixant plutôt les limites de la liberté des croyances religieuses.

  • CEDH, Refah Partisi c. Turquie du 31 juillet 2001 portant condamnation de la Charia ;
  • CEDH, Pichon et Sajon c. France DU 2 octobre 2001 relatif à la validation des sanctions infligées à deux pharmaciens pour un refus de vente de produits contraceptifs fondé sur leurs convictions religieuses.

Le troisième et dernier argument justifiant à nos yeux le rejet de la requête par le juge des référés relève du « bon sens ». En effet, la demande du requérant créerait plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait. L’on ne voit en effet pas comment l’on pourrait donner satisfaction aux locataires de confession juive sans courir le risque d’une discrimination au regard des articles 9 et 11 de la CESDH en ne donnant pas satisfaction à d’autres locataires d’autres confessions qui, sur la question même de l’accès aux immeubles peuvent avoir des demandes d’une autre nature mais néanmoins dictées également par la religion. De la même manière, l’on ne voit pas comment l’on pourrait donner satisfaction aux locataires de confession juive sur la question de l’ouverture des portes sans leur donner satisfaction plus générale sur toutes demandes intéressant la vie de l’immeuble dictées par le respect des croyances au risque de conflits avec les autres locataires de confessions différentes, athées ou agnostiques.

Conclusion 1 (le candidat n’a pas vu ou ne sait pas que la Cour de cassation a déjà statué sur cette question) : « Madame, Monsieur, pour les différentes raisons que nous venons de dire le juge des référés devrait donc raisonnablement rejeter la demande de l’association de locataires ». 

Conclusion 2 (le candidat sait que la Cour de cassation a déjà statué sur un tel cas et le candidat connaît cet arrêt ; dans ce cas celui-ci doit lui servir d’argument d’autorité à la fin de ses conclusions car invoquer cet arrêt dès le début c’est se préparer à disserter sur lui alors qu’il s’agit de rédiger des conclusions) : « Madame, Monsieur, ce sont ces différentes raisons qui ont conduit la Cour de cassation, dans une espèce identique à celle dont nous sommes saisis à conclure précisément….. »

A suivre